• La fille faite de larmes et le garçon fait de papier

    Un

     

    Assise par terre, elle pleurait. Ses larmes s'échappaient de ses yeux, roulaient sur ses joues pour au final s'écraser à terre ou sur ses vêtements. Il y avait quelque chose que personne à part lui ne savait. Les autres étaient trop stupides et pas assez attentionnés pour le remarquer. Mais lui, il l'avait vu . Il avait vu la fille faite de larmes qui ne faisait pas que pleurer. Elle écrivait aussi. D'une écriture droite et soignée, elle gravait des histoires à l'encre de ses larmes. Son corps étant le papier, le personnage principal étant elle-même. Et cela, il n'y avait que lui qui l'avait remarqué. 

     

    Ses longs cheveux dévalaient ses épaules, ses fines jambes menaçant de s'échapper au moindre bruit, ses yeux sont des iris de papier peint indistincts, dénués d'expression; sa peau blanche un papyrus craquelé. Tout ces détails faisaient de cette fille, une peinture énigmatique sur lequel le pinceau furieux d'autres personnes lançait des traînées de poudre gluante. Une énigme sans nom. Une énigme qui entravait la respiration. La sienne.

     

    Il aurait presque pu défaillir devant elle si il n'était pas lui-même un message codé. Elle l'avait déjà surpris, ses yeux la dévisageant. Riait-il d'elle? Comme les autres? Voilà ce qu'elle pensait de lui, en trois mots: stupide, moqueur, méchant. Elle avait pourtant vu qu'il n'était pas aussi fort que les autres clones. Un peu moins grand, un visage poupin. Un visage fin. Alors elle l'avait renommé: le garçon de papier. 

     

    Deux

     

    Et le garçon fait de papier observait la fille faite de larmes. 

    Et la fille faite de larmes observait le garçon fait de papier.

    C'était un cercle vicieux qui n'en finissait jamais. Elle écrivait à propos de lui "si un jour tu venais à tomber, tellement bas que tu en sors une lame, contacte moi, tu n'es pas le seul à avoir mal."

     

    Il la dessinait. Pourtant, il ne gardait jamais ses dessins. Chaque fois qu'il en achevait un, il le détruisait, le réduisait en boule ou le déchirait. Il n'arrive jamais à supporter l'imperfection de ses travaux. Et sa peinture disait: "aide moi je t'en prie, je ne veux pas finir mal. Je ne veux pas partir. J'aimerais me battre. Je veux prouver à moi-même que je peux être plus fort qu'eux, au point de poser la lame." 

     

    Elle accrochait ses textes au dessus de son bureau. De ce fait, elle les voyait souvent. Elle pensait au jour ou elle les relirait et en rirait presque. Elle méditait souvent sur ces écrits. Elle rêvait d'en sourire de fierté. Elle attendait le jour ou elle en esquisserait un sourire. 

     

    Trois 

     

    Il passait son temps à observer cette  fille. Il rêvait du jour ou il réussirait à décrypter le secret de ses yeux. Peut-être trouverait-il la raison de ses larmes? Et quand il la dessinait, il aimait voir son esprit s'envoler. Il le laissait s'imprégner des plus belles couleurs jamais découvertes. Il le laissait comprendre les plus sublimes graphismes, il le laissait imaginer les plus subtils détails. Il arriverait ainsi à faire de splendides dessins. Mais bien sûr ce ne sera jamais assez perfectionniste à ses yeux. La perfection n 'existe pas. Sinon, il n'aurait jamais autant utilisé de feuilles pour dessiner cette personne. L'âme d'artiste s'était sans doute éteinte il y a bien longtemps.

     

    Elle était juste la fille faite de larmes et il n'était juste qu ' un garçon de papier. Et cela ne changera sans doute jamais. Et plus le temps passait, plus la fille écrivait.

     

    Elle faisait couler une masse importante d'encre. Elle déversait plus de larmes que d'encre à présent. Car sans le vouloir, elle se mettait à espérer. Ce mot qui lui vaudrait tant de mal. 

     

    Savez-vous pourquoi l'espoir fait mal? Parce que la chose que l'on espère retombe sur nous comme une flèche lancée à des milliers d'années-lumières. Et elle se plante directement dans votre cœur fissuré. Elle troue bientôt votre poitrine. Mais cette douleur est un euphémisme par rapport à celle du cœur. Car c'est cette douleur la pire.

    C'est le moment ou votre cœur dépérit. Triste mot. Lentement au départ. Quelques parties meurent.  D'autres hurlent. Puis s'en vont vers d'autres horizons, vous laissant nu comme au premier jour, pantelant comme un chiffon. Sur le point de tomber. Tomber dans quoi? Une question à laquelle vous ne pouviez sans doute par répondre.

    C'est fou comme l'espoir peut faire chuter. 

     

    Quatre 

     

    Il avait trouver une nouvelle couleur pour ces dessins. Le rouge. Cette nouvelle couleur qui souillait les murs de sa salle de bains. Il y en avait partout. Il ne savait plus combien de coupures il avait fait. Et il n'arrivait pas à le voir sur son bras.

     

    Vous savez ce qui lui a inspiré cette douleur? C'est la fille aux larmes. Il ne la trouvait plus. Pourtant il avait cherché partout, du pont, au bord de la rivière. Il n'y avait personne. Pour lui c'était sa faute. Il n'avait pas eu la jugeote de repousser la bande. Tout ce qu'il avait pu écupérer est un papier: "j'ai vu tes cicatrices". L'encre était rouge. L'écriture, ronde et soignée. "Comme les miennes, seront-elles marquées à jamais?"

    Et aujourd'hui, il a des idées noires. Des idées aussi noires que l'encre de Chine qu'il déverse sur ses feuilles. Il se rend compte que la vie est une mauvaise blague pour les diablotins. Un simple couteau dans le dos, nommé trahison. Un mauvais coup de crayon, une couleur pas assez vive, une encre qui bave. L'imperfection du monde se valait être comme des gens de papier, fragiles et difficiles à compléter. Certains papiers plus résistant que d'autres qui aimaient voir un univers timide se fracasser la tête. Comme une simple chute dans un escalier.

     

    Son monde avait perdu toute sa couleur. Sa vivacité avait disparue. Il s'était engagé dans une valse avec des lames. Une maligne noirceur dévorant  les regrets de son âme. 

     

    "Tu sais quel surnom je t'ai donné ?

    Non dis moi 

    Je t'ai toujours nommé le garçon fait de papier, parce que tu avais l'air toujours fragile, donnant l'impression de te déchirer si l'on venait à te toucher du bout des doigts. Comme un papier trop usé. Et puis j'ai réalisé que tu es le papier le plus résistant aux éclaboussures.

    Les seuls moments ou je craque, c'est quand je suis enfermé dans ma chambre , assis contre le rebord de ma fenêtre.

    Et moi ? Tu m'avais donné un surnom ?

    Je t'appelais toujours la fille faite de larmes, tu pleurais tout le temps, sans que je puisse en connaître une seule raison

    Ce n'est qu'une façade de ce que je ressens vraiment 

    Et que ressens-tu vraiment? 

    De la haine, de l'angoisse, et de la peine je suppose 

    Pourquoi ressentir cela ? 

    Vraiment, je n'en ai aucune idée, comme je ne sais pas pourquoi le monde de malheur gravite à mes côtés 

    Tu n'as jamais dit mon nom 

    Toi non plus, que dirait-on? 

    Je ne sais pas, dis mon prénom, je serais toujours là pour toi serais à rajouter après 

    Bien, je serais toujours là pour toi James 

    Je ferai tout mon possible pour combler ce vide Layla " 

     

    Elle lui avait dit "regarde le ciel, regarde la fumée voler vers lui, on dirait des âmes sœurs, sauf qu'il y en a toujours un de plus amoureux que l'autre. Regarde la fumée. C'est elle qui est la plus éprise, vois comment elle trace son chemin. La vérité est basée sur la même chose. Mais, crois-tu qu'un jour les gens stopperont de nous en vouloir? Verraient-ils que la douleur qui nous est infligée ne nous a jamais appris à ne pas arrêter de les aimer, quoi qu'ils nous fassent?" 

     

    Alors il fixa la fenêtre, vit la fumée  s'échappant, crut voir le visage de Layla, et malgré son corps restant en place, son âme la rejoignit. Le suicide, n'est pas aussi cruel que tous les gestes, les paroles, infligés à des personnes plus faibles qu'autrui.


  • Commentaires

    1
    Lundi 13 Juin 2016 à 02:12

    Je ne sais pas quoi dire. Je suis bouche-bée. Je suis émue. Je trouve que tu écris bien, et que tu réussis à nous faire partager les sentiments que tu as insufflé à ton texte. Le thème du suicide n'est pas facile à aborder, mais là, tu l'as bien maîtrisé et ce n'était pas violent comme on pourrait se l'imaginer. Quoique, c'est tellement doux que ça s'infiltre en nous et s'en est d'autant plus poignant.

    Là il est un peu tard, mais je prendrais le temps de lire tous vos autres messages. D'ici là, bonne continuation et bon courage à vous deux.

    2
    Lundi 13 Juin 2016 à 09:55

    merci yume , en réalité cela m ' a pris énormément de temps pour écrire ce texte et trouver le juste milieu pour ne pas trop choquer , mais en même temps être assez violente pour faire passer le message . Je suis ravie que cela plaise .

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    3
    Lundi 13 Juin 2016 à 22:32

    Je veux bien te croire, ça n'a pas dû être facile. Je pense que le massage est passé, en tout cas avec moi. Oui ! Ce texte m'a beaucoup plu.

    4
    Samedi 18 Juin 2016 à 12:56

    je te remercie 

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